Evolution du rugby une reflexion de Baluc Rittener

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lou garabelut
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Evolution du rugby une reflexion de Baluc Rittener

Message non lu par lou garabelut »

Un article remarquable de Baluc-Rittener qui pour moi est criant de vérité !

Amour, gloire et rétrogradation

Je suis triste !

Même si à vrai dire tout ce qui arrive dans notre rugby ne m'étonne guère.
En fait, à l'image d'un illustre capitaine de l'équipe de France qui s’interrogeait récemment d’un : "ce n’est que maintenant que vous vous réveillez ?" je me pose la question, même s’il y a déjà longtemps que j’ai ouvert les yeux sur ce qui est en train de se passer.
Aujourd’hui plus qu’hier je suis triste à l’annonce de ces quatre clubs historiques qui risquent de goûter aux charmes du monde amateur dans les semaines à venir !
Car, oui, j'ai eu l’honneur de porter le maillot de deux d'entre eux... Et, oui, j'ai encore des amis dans ces clubs-là. Et je suis triste pour ces familles et ces salariés qui vivent des moments pas forcement réjouissants. Mais le plus terrible, c’est que paradoxalement, je suis aujourd'hui parfois soulagé de ne plus passer par ces moments d’anxiété. De ne plus faire partie de ce monde professionnel qui m'a fait vivre, et bien vivre, pendant 15 ans, qui m’a fait grandir, découvrir et partager des moments incroyables que seuls le monde du rugby peut nous procurer.

Je ne veux pas que dans l’Amour de ce formidable sport ne résonne plus désormais que stress, fin de contrat, blessures, difficulté à construire une vie professionnelle, précarité des situations économiques, concurrence féroce des joueurs de tous horizons…
Et comme si ça ne suffisait pas on en rajoute quelques couches, avec des Championnats dénués de sens, des clubs qui se déchirent, des joueurs et des présidents qui crachent allègrement leur venin par voie de presse !

Alors bien sûr ce métier fait rêver, et nous sommes là pour donner du rêve… Mais à quel prix ? Aujourd’hui Narbonne, Bourgoin, Tarbes, Biarritz, sans oublier les clubs de fédérale qui vivent sous perfusion depuis un moment… quelles seront les prochains sur la liste des clubs en voie d’extinction ?
De toute évidence, le modèle économique choisi rencontre aujourd'hui ses limites et notre sport doit pouvoir prendre du recul, écouter et voir ses erreurs pour remonter dans son petit train, au lieu de se laisser aveugler par les TGV des entrepreneurs aux poches pleines des grandes métropoles du Top 14 !

Car la mondialisation multiculturelle qui s’impose au niveau sociétal a désormais envahi nos vestiaires avec le soutien de commentaires avisées et bien-pensants. On admire ainsi une équipe de Barbarians Toulonnais, une multinationale Parisienne ou une phalange de Spring d’Oc montpelliéraine, en faisant admettre à tous que ce mélange de culture enrichi. Et pendant ce temps des clubs historiques dépérissent…

Mais cette fois, des milliers de poitrines ont crié qu’elles ne voulaient pas de la Culture déshumanisée de Jack White et consort et des décisions iniques de quelques dirigeants. On commence même à se demander ici et là si l’on ne va pas s’engager dans une lutte sociale sans merci pour faire voter un quota de joueurs issus des écoles de rugby... et non plus subir le subterfuge des JIFF.

Car n’en déplaise aux penseurs modernes, le rugby est né de ces chocs culturels, dans la différence conceptuelle de ces rencontres du bout du monde. J’entends par là que sa réputation et sa beauté se sont construites à travers ses différences (culturelles) qu’elles soient internationales ou bien nationale : la « Force Basque », le délire du « dernier quart d’heure Catalan », l’esthétique Landaise, la furia des Corsaires toulonnais, la tortue Béglaise ou la dureté des Mammouths Grenoblois ! C’est justement grâce à ces différences culturelles, qu’on se découvrait. La peur et la crainte donnait place à la curiosité et au respect.

Rien à voir avec l’affligeante uniformité d’un mélange à la sauce protéinée du rugby monotype qu’on nous inflige ! Car sa dureté même a changé. A l’image du rugby d’autrefois, dont on veut nous faire croire qu’il était sale, et que la « bonne poire » était dangereuse et contraire aux nouvelles lois de la bienséance. En réalité il n’en est rien, et la violence d’aujourd’hui, soit disant contrôlée avec sa prétendue protection des joueurs sous couvert de « protocole commotion » est bien plus dangereuse et perverse dans ses effets.

Tout ça n’est que du sport, allez-vous rétorquer, et il y a plus grave dans la vie... Sans doute, mais est-ce bien encore du sport ? A vrai dire, il semblerait que le Monde d’Ovalie ne soit plus désormais qu’une vaste entreprise économique avec de nouvelles règles du jeu, les règles barbares d’une société dérégulée dans laquelle le chômage des jeunes et l’individualisme sauvage font des ravages. Des règles qui font fi de la culture de toutes ces villes qui ont grandi au rythme de leurs champions et se sont construite sur leur fierté et l’image positive d’un parcours social à visage humain.

Alors, comment en est-on arrivé là ?
A quel moment va-t-on dire les choses, se poser les bonnes questions et surtout y répondre ?
Les modèles économiques sont-ils les bons pour ces villes moyennes ? Si l’on en juge par les rétrogradions et problèmes financiers en ProD2, la réponse est non ! Si l’on en juge par le mépris du joueur pro et de la famille qui va avec, la réponse est la même.
Alors me direz-vous, s’il véhicule tant de tares pourquoi le rugby est-il à ce point respecté, aimé… et désormais récupéré ?
Précisément pour ces valeurs qu'il est en train de détruire ! Sport marginal, irrévérencieux, échevelé, incompréhensible mais respectueux de ses sujets, il est aujourd’hui rentré dans le rang, poli, bien coiffé, décryptable mais dédaigneux envers ceux qui font son histoire.

Donc oui, au risque de passer pour un passéiste, adepte du « c’était mieux avant », j’ose affirmer que je suis triste pour mon rugby. Pour celui que j’ai connu, avec ses valeurs uniques et ses gladiateurs que l’on honorait dans la ferveur d’un dernier match.

Instances alignées au garde à vous devant le défilé des promesses de productivité, dirigeants aux ordres des entreprises qui ont pillé son image et son esprit, que faites-vous de notre rugby ?

Allez, un peu de courage, réveillons-nous ! Remettons donc l’humain au centre du terrain et cessons de vendre nos âmes aux diables de la gloire fugace…

Le respect s’en est allé, il n’est plus que de façade, et comme disait Georges Orwell : « Dans ces temps de tromperie généralisée, le seul fait de dire la vérité est un acte révolutionnaire »…

Alors, qui osera dire la vérité ?

PS : allez, soyons positif, gardons espoir, ce jeu est si beau ! Je veux garder l’image de mes amis columérins faisant la fête en chantant le Vino Griego dans un Jean Dauger archi-comble…
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henri
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Re: Evolution du rugby une reflexion de Baluc Rittener

Message non lu par henri »

Tout à fait d'accord avec lui, "notre" rugby est en train de se perdre : merci Withe, Lorenzetti, Boudjellal... vous êtes en train de tuer notre sport !
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